« C’est presque étonnant qu’on n’ait eu que deux morts et six blessés »

« C’est presque étonnant qu’on n’ait eu que deux morts et six blessés »

Ce jeudi, la cour d’assises de Saint-Omer a passé la journée à l’intérieur du Theatro. Des témoins de la fusillade de l’été 2012 ont rassemblé leurs souvenirs pour aider les jurés à pousser des portes criblées de balles. Dix-huit impacts de kalachnikov pour la seule façade. Une scène « de guerre » ou « d’attentat » selon les sensibilités.

En partie civile, de gauche à droite, M es Alexia Navarro Marie Delommez et Audrey Jankielewicz . PHOTO JOHAN BEN AZZOUZ

Par Chantal David

Publié:22 février 2018

À la quarante-sixième photo diffusée sur les écrans de la cour d’assises, Gautier, 29 ans, a détourné le regard. En juillet 2012, il était au Theatro avec quatre amis : « On devait aller au Network puis on s’est décidé pour le Theatro. Il y avait une soirée spéciale  ». Gautier terminait ses études, il est devenu ingénieur. Sur l’image à l’écran, ce ne sont pourtant que des impacts de balle : « Des tirs ajustés à hauteur d’homme », analyse le policier directeur d’enquête. D’autres photos détaillant les blessures des victimes viendront plus tard, beaucoup plus insoutenables.

Des cicatrices et des cauchemars

Quand la fusillade a éclaté ce 1er juillet vers 2 h 30, Gautier était sur la piste de danse : « J’ai entendu une déflagration. J’ai ressenti une douleur à l’épaule droite. Il y a eu de la panique. C’était comme une scène de guerre. Chaque fois que j’en parle, je craque ». Plus de cinq ans après, Gautier à la barre est submergé par l’émotion. Sa balle dans l’épaule lui a laissé des cicatrices et des cauchemars. Le commandant de police qui avait fait les premières constatations n’a rien oublié non plus. Malgré le temps, lui fait remarquer une avocate, il demeure très précis sans ses notes : « Comment voulez-vous que ça ne marque pas », répondra-t-il. La fusillade s’est inscrite dans son souvenir « comme une scène d’attentat ». Il le dira deux fois.

Trois cents personnes dans la discothèque

Luc Fremiot, avocat général, lui fait préciser qu’il y avait alors 300 personnes dans la discothèque. Peu avant, la présidente Nourith Reliquet avait détaillé en images le suivi d’un projectile, de la porte d’entrée à mi-hauteur au mur près de la piste de danse, juste au-dessus des banquettes. Le projectile est une balle de kalachnikov. Le commentaire du policier coule logique : « C’est presque étonnant qu’on n’ait eu que deux morts et six blessés ». Me Cohen, l’avocat de Faïçal Mokhtari l’interroge : « Est-ce que le tireur, d’où il était, pouvait voir l’intérieur de la discothèque  ? ». « Non » répond le policier. Aujourd’hui, les débats confronteront les versions des accusés avec celle des vigiles de la discothèque sur l’altercation à l’entrée de la boîte et les tirs de kalachnikov qui ont suivi.

*article issu du journal La Voix du Nord