Lille : l’hôpital de la Louvière jugé pour homicide involontaire, dix ans après

Lille : l’hôpital de la Louvière jugé pour homicide involontaire, dix ans après

En mars 2013, une patiente de l’hôpital de la Louvière décède après une opération de chirurgie esthétique. Un jugement civil reconnaîtra la responsabilité de l’établissement, d’un chirurgien et d’un anesthésiste. La famille a également voulu attaquer au pénal. Le juge d’instruction n’a renvoyé que la clinique devant le tribunal.

Seule la clinique a été renvoyée devant le tribunal. PHOTO PASCAL BONNIERE -

Par LAKHDAR BELAÏD

Publié:18 Juillet 2023

Le 11 mars 2013, après une opération de la mâchoire, une patiente de l’hôpital privé de la Louvière souffre d’une gêne respiratoire. Cette maman de 40 ans repart au bloc opératoire. Elle finira par décéder. « Son cerveau n’a pas été oxygéné durant trois minutes », lâche la sœur de la victime. « Il a fallu attendre deux heures pour qu’on prenne au sérieux les plaintes de Sybille Legros », insiste Me Alexia Navarro, pour la famille. En avril 2018, le tribunal civil de Lille impute une faute à l’établissement, à un chirurgien et à un anesthésiste. Les proches de la défunte désiraient aussi une sanction pénale. Seule la clinique sera finalement convoquée dans le prétoire, il y a quelques jours. Dix ans après le drame.

« Ça a été un cafouillage total »

Opérée d’une génioplastie, visant à corriger une avancée du menton, Sybille Legros s’était plainte. À quel moment ? « Dès son retour du bloc, tout de suite, elle m’a dit  : "J’ai du mal à respirer", assure sa sœur. L’aide-soignant et le brancardier nous ont rassurées. » Un hématome au palais sera découvert. Le praticien ayant opéré n’est plus là. Un anesthésiste s’occupera de la patiente, avant de solliciter l’aide d’un chirurgien sur place. « Ça a été un cafouillage total cet après-midi-là », accuse la plaignante. « Ça improvise », nuance le président Ludovic Duprey. « Ça cafouille, reprend la famille. La vie de ma sœur a tenu à trois minutes... »

Il est largement question de l’absence d’un kit de mini-trachéotomie dans le bloc. « On n’a pas su répondre sur la certitude de la présence de ce matériel médical », réagit l’actuel directeur général de l’hôpital. Son avocat, Me Jean-François Segard, s’en prend à un rapport versé au dossier. « Dix minutes auraient été perdues jusqu’à l’arrivée du chirurgien, commente le conseil. En réalité, il se passe deux minutes entre le moment où l’anesthésiste demande le kit et l’intervention du chirurgien. » Le geste de ce dernier avait fait fortement remonter la saturation en oxygène. Le postulat « sans kit, point de salut » ne serait donc, selon Me Segard, « ni honnête ni loyal ».

Vers une relaxe ?

« On continue de contester cette responsabilité, s’était auparavant emportée Me Navarro, pour la famille. C’est affligeant et c’est inacceptable. Il y a les fautes civiles. Il y a les fautes pénales. » Et, pointant « un problème d’organisation des soins », de comparer l’hôpital à « un chef d’orchestre responsable des fausses notes » de ses musiciens. Une information judiciaire avait été ouverte. « L’instruction n’a pas beaucoup instruit, regrettera la procureure Lorène Delsaut, rappelant l’existence d’une décision au civil. On n’a pas beaucoup d’informations. » Et de recommander une relaxe. Tout comme, évidemment, Me Segard. Délibéré le 5 septembre.

*article issu du journal La Voix du Nord