Un médecin jugé à Lille pour agressions sexuelles sur des patientes

Un médecin jugé à Lille pour agressions sexuelles sur des patientes

Un médecin de la métropole lilloise comparaissait mardi devant la 7e chambre correctionnelle. Deux patientes l’accusent d’agressions sexuelles lors de consultations. Le parquet a requis trois ans de prison avec sursis probatoire. La défense plaide la relaxe. Le tribunal rendra sa décision le 5 avril.

Mardi, le procureur a requis trois ans de prison avec sursis probatoire et la défense a plaidé la relaxe. PHOTO ARCHIVES PIERRE LE MASSON - VDN

Par Chantal David

Publié:10 Mars 2022

Y a-t-il eu des attouchements ? Un comportement trop familier ? Sur le banc de la partie civile, mardi, devant la 7e chambre correctionnelle, deux femmes en sont convaincues. Pour l’avocate de la défense, il s’agit d’une « interprétation erronée de gestes médicaux ». Et si familiarité il y a eu, « il avait la même avec tout le monde, hommes et femmes ».

Au tribunal, le procès du Dr M., 61 ans, va provoquer des débats totalement clivés. En marge, l’Ordre des médecins, qui s’était constitué partie civile, n’est plus sûr de sa position. Ainsi, plaidera Me Julie Paternoster, « tout indique que les gestes reprochés au Dr M. avaient une justification médicale  ».

« Des gestes médicaux mal interprétés »

Le Dr M. exerce dans une petite ville de la métropole, depuis plusieurs dizaines d’années, il soigne des familles, en cite une à la barre : « Je soigne quatre générations.  » Il se qualifie de médecin à l’ancienne. « Il tutoie, fait la bise, donne des surnoms et s’il dit cocotte, ce n’est pas pour draguer mais parce qu’il ne retient pas tous les noms de ses 2 000 patients… », plaidera Me Alice Cohen-Sabban.

Quand il raccompagne après la consultation, la main du docteur pousse le dos, descend parfois jusqu’aux reins. K. ne le supportait pas. La jeune femme, silhouette menue, raconte avec émotion la consultation qui l’a décidée à porter plainte. À la suite de violences conjugales, elle venait chercher un certificat. « Il m’a regardé me déshabiller.  » Elle décrit un examen gynécologique imposé qui, pour elle, n’avait pas lieu d’être (mais justifié par les experts en raison d’antécédents). Elle affirme qu’il en a profité pour la masturber. Me Serge Diebolt du barreau de Paris, va plus loin que la prévention, évoquant un viol.

La seconde plaignante, patiente de longue date du Dr M., l’accuse d’attouchements, au long de l’année 2015. Elle essaie, dit-elle, d’y aller en emmenant sa fille ou en portant « des sous-vêtements moches pour être rebutante  ». Le président Mikael Simoens lui avait demandé « Pourquoi y retournez-vous ?  », Me Pauline Collette répondra à la place de sa cliente, soulignant une fragilité psychologique.

Familiarité « inadaptée »

Tout au long de l’instruction, le prévenu se range derrière « des gestes médicaux mal interprétés  » ou nie. « À vous entendre… Soit elles ont mal compris, soit elles mentent… Pourquoi elles mentiraient ?  », insiste le juge.

Pour le procureur Pierre Goupillaud, « les agressions sont caractérisées par plusieurs paroles de patientes qui ne se connaissent pas  ». Il déplore les familiarités incongrues : « Avant on disait "comportement paternaliste", maintenant on dit inadapté.  » Il requiert trois ans de prison avec sursis et une interdiction d’exercer pendant cinq ans. Depuis les faits, le médecin est déjà contraint de travailler dans un secteur où il n’a plus de contact avec la patientèle.

En défense, Me Alice Cohen-Sabban plaidera la relaxe : « En droit, ce n’est pas la façon dont la victime ressent les faits qui qualifie l’agression sexuelle. Mais c’est le geste, l’intention et la motivation de l’auteur. »

Le tribunal rendra sa décision le 5 avril.

*article issu du journal La Voix du Nord